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Vos enfants deviendront des "hackers" !


Par Maureen Barbette ( 2013: 150 – 156) in Design d'objet


Je persiste à croire que demain sera fait d’une intelligence nouvelle, plus autonome et responsable. Le hacker est très certainement le meilleur modèle d’initiatives de notre siècle. Seulement, victime d’une qualification erronée et péjorative, il a du mal à refaire surface, comme lors de ses premiers jours... Un hacker, et non pas un cracker (qui, lui, est un pirate informatique), est un virtuose de la connaissance. Chacun son domaine, là où l’esprit est le plus vif. Le hacker construit et partage de la connaissance, du savoir et des idées. Ce sont eux qui ont permis à notre société de connaître et de maîtriser les ordinateurs, qui ont ouvert le flux Internet, et encore eux qui créeront les révolutions de demain. Car quoi de plus juste qu’un individu qui, cherchant à améliorer son confort, son quotidien, en vient à créer le confort des autres ? La plupart des progrès scientifiques et techniques découlent souvent non pas d’une collectivité mais d’un individu qui, aspirant à améliorer son environnement, résout les problèmes et dépasse les limites jusqu’alors connues. Ces découvertes ne sont pas restées cachées, ni n’ont fait l’objet de grandes spéculations. J’entends par là que le savoir en lui-même est resté gratuit, mais c’est sa « mise en volume », sa perception physique, qui est devenue coûteuse (ordinateur, machinerie, systèmes d’exploitation…). Mais aujourd’hui, pourquoi n’éduquerions-nous pas nos enfants et les générations futures sur ce même principe du hacker ?

Nous connaissons les hackers, notamment par leurs actions dans les domaines des sciences et des techniques. Mais pourquoi pas demain dans des domaines sociaux ou bien créatifs par exemple ? Ces personnes savent mettre à jour leurs connaissances et leurs compétences. Ils sont au fait des dernières avancées de notre société et peuvent ainsi en permanence repositionner leurs travaux ; ce afin de ne jamais refaire ce qui a déjà été fait. Notre « créateur » serait avant tout une personne extrêmement curieuse, au sens où elle chercherait constamment à savoir ce qui se fait pour aller au-delà. Et aussi à s’attacher davantage aux compétences plutôt qu’aux connaissances, car nous ne pouvons pas tout savoir et n’avons pas besoin de tout savoir, mais d’avoir les compétences pour acquérir les bonnes connaissances lorsqu’elles seront nécessaires. Combien de fois avons-nous vu des personnes aller dans une voie pour laquelle elles n’étaient pas faites ? L’esprit hacker consiste avant tout à développer ses connaissances et compétences dans des domaines qui nous touchent.

En effet, un hacker ne doit pas se limiter à un seul domaine ; c’est un individu ouvert, qui sait qu’il y a toujours à apprendre ailleurs. Au contraire du système éducatif français qui privilégie la spécialisation et l’élitisme. La qualité principale d’un hacker réside dans le partage. Car, en effet pour lui, aucun problème mérite d’être résolu deux fois ; il permet donc à tous de ne pas gaspiller du temps et de l’énergie dans la recherche. C’est une personne qui se place dans un système d’entraide volontaire (même si son esprit est très compétitif, c’est-à-dire qu’il aime être celui qui va découvrir en premier), il fait partie d’un système d’échanges très vaste.

L’ouverture d’esprit permet à notre hacker de ne pas devenir un consommateur bête et discipliné. Il respecte les opinions de tous et est disponibles pour les confrontations d’idées sans discrimination. Il encourage l’objectivité. Ainsi son énergie se fonde sur l’abolition de l’ennui, de la répétition au travail ; il n’a pas peur de l’échec car c’est en se trompant que l’on apprend. Ce qui a tendance aujourd’hui à être plutôt un facteur d’élimination dans la quête de la perfection immédiate et absolue. Et pour finir, le point sur lequel me semble-t-il notre avenir dépend, c’est que le hacker prend conscience de son impact sur l’environnement. Il concilie l’économie, l’écologie et le social. Il devient donc un « citoyen modèle » capable d’engendrer des changements majeurs dans notre société actuelle et future.
 
Comment alors faire pour que nous devenions des hackers et que surtout les générations de demain naissent hackers ? Chacun désir exceller dans un domaine qui lui est propre, devenir un virtuose. C’est ici que commence la culture partagée, par la maîtrise parfaite dans la manipulation des techniques et des systèmes. Quelqu’un qui est très doué en sport pourra aller loin en équipe ou en solo et entraîner derrière lui d’autres qui prendront exemple et mettront leur énergie dans la création positive d’une activité. Tout comme d’autres seront incollables en informatique ou en cuisine, ou encore en création d’entreprise.
 
Tout est prétexte à la création. Je pense qu’il n’existe aucune limite du moment que le respect et l’équité sont présents. Mais sans vouloir changer radicalement le système éducatif (école ou apprentissage d’un métier), pourquoi ne nous pencherions-nous pas plus sur ce modèle d’autogestion, qui devient alors très productif ? C’est par la motivation personnelle, dans un domaine qui nous plaît, que nous sommes les plus performants, un musicien passionné passera plus de temps à apprendre ses gammes plutôt que de se plonger dans l’étude des papillons… Bien qu’un peu primaire, cet exemple justifie bien le rapport du travail musical que peut avoir notre individualité dans son domaine de prédilection.


Le terme de hacker se traduit par « fouineur », « bidouilleur », qui sont des termes plutôt dévalorisants, contrairement à l’acception anglophone. Si l’on parvient à dépasser ces stéréotypes et ces préjugés, il devient alors possible d’y voir une nouvelle forme de pensée à la fois personnelle et collective. La 27e Région, initiative française visant à explorer de nouvelles façons d’améliorer la conception et la mise en oeuvre des politiques publiques, fait appel aux services de hackers. Ainsi, elle met des individus au service de l’objectif à atteindre d’aider chaque région à créer sa propre cellule de recherches. En utilisant des méthodes issues des sciences humaines (design de service, innovation sociale), elle met en place des programmes de recherches et d’actions, à l’intérieur desquelles de nouvelles collectivités de « têtes pensantes » s’agitent et réfléchissent a des solutions envisageables. Dans ce programme, l’attitude du hacker est tournée vers l’expérimentation. Ce dernier a besoin de trouver un intérêt cognitif personnel, posé par la résolution d’un défi. Car du point de vue du hacker, le travail doit enfin permettre à l’individu d’exprimer son individualité et sa créativité, par la maîtrise et le dépassement de la technique. Cette confrontation avec le travail devient extrêmement intéressante car elle positionne le hacker dans une situation de performance et de dépassement de soi. Pour les entreprises, par exemple, il devient un employé moteur et modèle, toujours en quête de progrès et d’innovations. Même s’il est souvent perçu comme «  solitaire  », il a aussi besoin de travailler avec les multiples communautés d’intérêt et de savoirs autonomes auxquels il appartient.

Rappelons que, pour eux, il ne sert à rien de résoudre deux fois le même problème, alors ils avancent en se mettant à jour, des nouveaux savoirs et compétences acquises, au fur et à mesure. C’est là que le rapport entre la collaboration et la compétition, devient ambigu car les hacker sont très vifs et réactifs, continuellement dans une dynamique visant à être dans la performance la plus complète et la plus « révolutionnaire ». Ce qui l’amène à toujours avancer et progresser dans ses domaines et 155 ainsi à alimenter cette culture collective pour permettre à tous de réagir et de rebondir efficacement sur leurs découvertes respectives. C’est une adrénaline positive qui aide toutes ces personnes à chercher l’innovation pour le/les bien(s) commun(s). Et c’est sur cet exemple qu’il me semble intéressant de s’appuyer pour promouvoir cette attitude et cette énergie de connaissance. Nous vivons et nous travaillons sur un modèle « individualiste ». L’intérêt de l’entreprise passe avant notre propre intérêt. Nous n’agissons heureusement pas tous de la sorte. Mais cette autodiscipline au service du collectif est encore mal répandue, mal acquise voir méconnue.

Mais alors comment aider à redéfinir et à revaloriser ces creackers ? Tout d’abord, il faut arrêter d’employer ce mot à tort et à travers, ensuite, comme tout nouveau mot entrant dans notre langage, il est important de s’accorder sur sa définition et ses significations. Ainsi nous aurons fait la moitié du travail. Car une fois ce nouveau terme acquis, il ne tient qu’à nous d’en prendre pleinement conscience dans notre façon de travailler. On peut alors s’interroger sur sa place dans les entreprises, dans les écoles ou tout autre domaine impliquant de la recherche et du travail. Par exemple, un employé à le droit de proposer des idées, des solutions qui permettraient d’améliorer son quotidien dans l’entreprise et, par écho, celui de ses collègues. Son idée peut faire ses preuves et être mise en place dans toute l’entreprise au bénéfice de tous les autres employés.

Beaucoup d’initiatives sont faites aujourd’hui dans de nombreuses entreprises, qui visent à favoriser et à encourager la participation des employés dans la recherche d’idées qui amélioreraient la production de l’entreprise, le confort salarial et le bien-être de l’individu en dehors de son lieu de travail. Nous pourrons citer le modèle de la Bananeraie de Michel et Augustin, ces trublions du goût, qui proposent à leurs employés de participer au choix des recettes, ou d’apporter des idées plus personnelles pour des recettes à venir. Ils font de même avec leurs consommateurs, ce qui leur permet de disposer d’un « réservoir » de recettes dynamiques et originales. Ce qui n’est généralement pas une habitude dans les entreprises et donc pas encore un style de travail. Néanmoins des amorces existent et cela dans tout type de secteurs et d’entreprises. Les hackers ont donc leur place dans l’innovation pour le travail… Mais pas seulement car des progrès peuvent être faits dès aujourd’hui dans les entreprises concrètes et déjà installées, mais aussi dès le début de l’éducation d’un enfant.

À l’école, on apprend vite à progresser, non par le biais de la collectivité mais plutôt au niveau individuel. Parce qu’à aucun moment l’enfant ne remettra en question ce qu’il apprend, la collectivité permet et encourage le questionnement de soi et du rapport à l’autre. L’entraide est très importante dans le progrès, elle apporte vitesse, richesse, performance et qualité, sans empêcher le développement de sa personne et de son individualité. On se construit grâce aux autres et ainsi avance-t-on. Aussi ai-je la conviction que la politique hacker peut être entièrement réutilisée à des fins de développement social, personnel et créatif. Cette mentalité aura certainement un autre nom dans les années à venir. Elle saura se répandre et s’enrichir, entraînant derrière elle des succès et des améliorations concrètes. C’est une énergie positive et productive qu’il faut exploiter car une société qui avance est une société qui innove. Il est temps de remettre en question notre mode d’enseignement et d’apprentissage car, trop souvent, faire croire à quelqu’un qu’il n’est bon à rien, tout en l’empêchant de s’exprimer dans son domaine de prédilection, revient à gâcher des chances d’évolutions personnelles et sociales.

En conclusion, oublions l’image négative des hackers et apprenons à utiliser intelligemment leur manière de penser. C’est certainement là que se trouvent de nombreuses solutions. Aussi bien dans le social qu’en politique, l’économie, l’humanitaire, l’éducation, la santé, le progrès technique et technologique, le design, l’art, les sciences, le développement durable, l’énergie, etc. La culture partagée est essentielle à notre évolution, elle en est le moteur. Et nous sommes les seuls à pouvoir l’alimenter.

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