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Laboratoire de recherche sur l'Imaginaire en sciences de gestion



1. Définition et positionnement scientifique

Laboratoire de recherche sur l'Imaginaire en sciences de gestion

Le Laboratoire de recherche sur l’imaginaire dans les sciences de gestion est une structure autonome et transdisciplinaire consacrée à l’exploration des dimensions symboliques, narratives et mythiques qui sous-tendent les phénomènes organisationnels, managériaux et économiques.

Il repose sur l’idée que les organisations ne se comprennent pas uniquement à travers leurs structures formelles, leurs processus rationnels ou leurs indicateurs de performance, mais aussi à travers les représentations collectives, les mythes fondateurs et les imaginaires institués qui orientent les comportements, les décisions et les innovations.

Ce laboratoire s’inscrit dans un courant épistémologique émergent qui articule sciences de gestion, anthropologie de l’imaginaire et théorie critique. Il prolonge les travaux de Durand (1969) sur les structures de l’imaginaire, de Castoriadis (1975) sur l’imaginaire social instituant, et de Baudrillard (1981) sur la simulation et la valeur symbolique, tout en intégrant les apports des chercheurs en management de l’innovation (Alter, 2002 ; Hatchuel & Weil, 1992) et en design (Verganti, 2009 ; Brown, 2009).

L’objectif fondamental du laboratoire est d’explorer comment l’imaginaire opère comme force instituante et instituée au cœur des pratiques de gestion, participant à la construction du sens, à la légitimation des décisions et à la transformation des modèles d’action collective
ires et innovation. L’Harmattan.

2. Fondements théoriques


2.1. L’imaginaire comme infrastructure symbolique du management

L’imaginaire, tel que défini par Gilbert Durand (1969), constitue un ensemble structuré de représentations et d’archétypes organisant la perception du monde et de l’action. Dans le domaine des sciences de gestion, il configure les visions de la performance, du leadership, de la réussite ou du changement.
Ainsi, les entreprises et institutions ne se contentent pas de gérer des ressources ; elles produisent et reproduisent des mythes managériaux — celui du progrès continu, de l’efficacité, du contrôle ou de la disruption — qui orientent les pratiques et les croyances collectives.

Pour Castoriadis (1975), ces imaginaires ne sont pas de simples superstructures idéologiques : ils constituent la matrice instituante de toute forme organisationnelle. Le management peut alors être analysé comme un champ symbolique où se confrontent les imaginaires institués (stabilité, hiérarchie, productivité) et instituants (créativité, autonomie, sens).

Baudrillard (1981) apporte une perspective critique en montrant que les sociétés contemporaines sont gouvernées par des simulacres : la représentation du réel tend à se substituer au réel lui-même. Dans le champ du management, cette logique se traduit par la prééminence du discours sur la transformation, de l’image d’innovation et de la communication de la performance sur leur réalisation effective. Le risque est celui d’une gestion de l’apparence, où le signe de la valeur supplante la valeur d’usage et la valeur d’expérience.

2.2. Imaginaire, rationalité et transformation organisationnelle

Les travaux d’Alter (2002, 2010) ont montré que l’innovation organisationnelle naît souvent d’un détournement symbolique du cadre existant : c’est en transgressant les routines instituées que l’organisation se réinvente.
De même, Hatchuel et Weil (1992) ont introduit l’idée que la conception et la décision reposent sur des espaces cognitifs et imaginatifs qui dépassent la rationalité limitée du modèle néoclassique.

Les démarches contemporaines de design thinking (Brown, 2009), de recherche-création et de design fiction (Bleecker, 2009) prolongent cette perspective en introduisant la narration, la projection et l’expérience comme leviers de renouvellement de l’action collective. Ces approches réhabilitent la puissance créatrice de l’imaginaire dans la gouvernance et la stratégie.

Le laboratoire s’inscrit ainsi dans une double tension :

entre imaginaire instituant, source de créativité, et imaginaire simulant, producteur d’illusions de nouveauté (Baudrillard, 1981) ;

entre rationalité managériale et pensée symbolique, nécessaire à la vitalité institutionnelle.

3. Objectifs scientifiques

Le Laboratoire de recherche sur l’imaginaire dans les sciences de gestion poursuit quatre objectifs structurants :
  • Théorique : développer un cadre conceptuel unifiant les approches de l’imaginaire, de la symbolique et de la subjectivité dans les organisations.
     
  • Empirique : observer et analyser les configurations imaginaires au sein d’entreprises, d’administrations et de territoires, à travers des études de cas, entretiens et analyses de récits.
     
  • Méthodologique : concevoir des outils de recherche-action et de facilitation inspirés de l’imaginaire pour accompagner les transformations managériales et organisationnelles.
     
  • Critique : interroger les effets pervers de l’imaginaire gestionnaire — simulacre d’innovation, storytelling stratégique, injonction au bonheur ou à la créativité — pour rétablir une éthique du sens.

4. Méthodologie de recherche

Le laboratoire articule des approches qualitatives, expérimentales et interprétatives, mobilisant :
  • La recherche-action et la recherche-création pour étudier les processus vivants d’innovation managériale ;
     
  • La sémiotique organisationnelle pour analyser les discours, images et symboles constitutifs de la culture d’entreprise ;
     
  • Les ateliers de design fiction et de prospective narrative pour activer les imaginaires de transformation ;
     
  • La clinique du travail (Dejours, 1993 ; Clot, 2010) pour comprendre la dimension subjective de l’expérience au travail.
Ces dispositifs visent à faire du laboratoire un espace de co-construction du savoir, où chercheurs, praticiens et acteurs économiques expérimentent de nouvelles formes de rationalité sensible.

5. Projets de contrbution

Le Laboratoire de recherche sur l’imaginaire dans les sciences de gestion apporte des contributions originales sur trois plans :
 
  • Scientifique, en renouvelant la compréhension des organisations par l’étude de leurs structures symboliques et de leurs mythes opérants.
     
  • Méthodologique, en développant des cadres de pensée hybrides associant gestion, philosophie, art et design.
     
  • Sociétal, en réhabilitant la dimension imaginaire du travail et de la gestion comme leviers de sens, d’éthique et de transformation durable.
En dépassant la dichotomie entre rationalité instrumentale et créativité symbolique, ce laboratoire propose de réinscrire les sciences de gestion dans une écologie du sens, où l’imaginaire devient le moteur d’une régénération des pratiques et des institutions.

Bibliographie de référence


Alter, N. (2002). L’innovation ordinaire. Presses Universitaires de France.
Alter, N. (2010). La force de l’incertitude : essai sur le pouvoir et l’innovation dans les organisations. PUF.
Baudrillard, J. (1981). Simulacres et simulation. Galilée.
Bleecker, J. (2009). Design Fiction: A short essay on design, science, fact and fiction. Near Future Laboratory.
Brown, T. (2009). Change by Design: How Design Thinking Transforms Organizations and Inspires Innovation. Harper Business.
Callon, M. (1986). Éléments pour une sociologie de la traduction. In La science et ses réseaux (pp. 143-183). La Découverte.
Castoriadis, C. (1975). L’institution imaginaire de la société. Seuil.
Clot, Y. (2010). Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux. La Découverte.
Dejours, C. (1993). Travail, usure mentale. Bayard.
Durand, G. (1969). Les structures anthropologiques de l’imaginaire. Dunod.
Hatchuel, A., & Weil, B. (1992). L’expert et le système. Economica.
Verganti, R. (2009). Design-Driven Innovation. Harvard Business Press.
Wunenburger, J.-J. (2003). L’imaginaire. PUF.
Wunenburger, J.-J., & Meyer, M. (2013). Imaginaires et innovation. L’Harmattan.

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