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La créativité peut elle relever d'une orthopédie cognitive ? ..



La créativité  peut elle relever d'une orthopédie cognitive ? ..
L'innovation est d'abord un exercice d'imagination, qui reste largement "une terra incognita" pour les sciences de gestion. Celles - ci   y font peu allusion dans leurs publications de recherche encore très imprégnées par la pensée positiviste dominante caractérisée par le raisonnement hypothético déductif. Devant l'intensité des ruptures, elles font des efforts en s'ouvrant péniblement aux apports des théories ancrées ou de l'ethnométhodologie qui considèrent au contraire que les hypothèses ne doivent pas être définies  à priori mais à postériori, c'est à dire à partir du terrain. 

On peut se demander s'il est est possible de mobiliser l'imagination de manière optimum avec des outils privilégiant, souvent en toute inconscience, ce mode de penser. Nous pensons par exemple  à la méthode Triz qui s'appuit sur Excel pour faire émerger les idées et les combiner. Nombreux sont ceux qui l'ont pratiquée puis abandonnée sans toujours pouvoir expliquer leur malaise. Nous avons personnellement eu la possibilité de participer à un séminaire fondé sur cette méthode et pu vérifier qu'elle se déploie sur un mode paradoxal; ce qui la rend si inconfortable à pratiquer. Concrètement, l'animateur tentait de susciter des combinaisons en imposant des associations qui étaient systématiquement enregistrées dans Excel. Beaucoup de propositions recueillies sous la forme d'une liste très exhaustive mais peu de solutions vraiment innovantes sont sorties de cet exercice qui a duré deux jours entiers et qui s'est traduit par aucune application concrète. Le souvenir qu'il nous en reste est celui d'une expérience laborieuse et finalement assez décevante au regard des efforts collectifs investis. 

La pensée analytique classique et les tableaux Excel ont beaucoup d'intérêt  pour la maîtrise de l'action et le contrôle des processus mais c'est ignorer la puissance créatrice des outils heuristiques comme Mindmanager ou Mindomo pour croire qu'ils sont efficaces dans les approches exploratoires.  

Les méthodes évoquées plus haut sont souvent peu collaboratives et statiques. Elles reposent  pour l'essentiel sur la présence d'un expert qui représente une figure d'autorité à laquelle il faut se soumettre et les acteurs sont assignés à une place dans l'espace (physiquement comme psychologiquement) qui est celle de l'exécutant.  La démarche repose sur cette injonction: "Si vous acceptez de vous conformer à la méthode, vous serez créatif". Or par nature la créativité ne relève d'un processus dirigé, elle est déjà présente dans les individus qu'elle que soit leur fonction ou leur titre. Si la méthode a un intérêt c'est quand elle propose  une expérience qui va fonctionner comme un révélateur d'un potentiel qu'il est possible de reproduire dans d'autres circonstances. La méthode portera plus sur les conditions de l'expérience que sur les processus mêmes qu'elle suggère.

La méthode de gestion de projet intitulé  PMI (International Project Management) s'est efforcée pendant des années de vendre de la rigueur en remettant en cause les approches de gestion projet qui l'ont précédée.  Sentant le vent venir de l'agilité, elle est en train de s'assouplir en y intégrant certains aspects  mais en recommandant la  grande prudence à son égard. 

Pour innover il faut prendre le temps de l'exploration. Cela ne peut se faire sérieusement avec des méthodes qui ont exacerbée les valeurs de contrôle et de maîtrise. Dans l'exploration, par définition, on ne maitrise rien. On progresse dans l'incertitude à tatons et il faut accepter de traverser cet espace insécure où on ne sait pas encore où l'on va précisément et comment on y va;  par contre on a pris une direction sans point précis dans un domaine qu'on a déterminé et la découverte de ce qu'on cherchait  se fait progressivement sur la durée. Ce n'est jamais gagné, il y a toujours le risque d'avoir perdu son temps mais quand l'idée vient c'est un "donné"...

Dans la phase de conception il y a une infinité de solutions possibles. Il faut générer beaucoup d'idées avant de les faire converger. Des études ont montré que cette phase était beaucoup plus réduite chez les ingénieurs français à la différence des ingénieurs japonais qui passaient 3 fois plus de temps à cette activité. La valorisation culturelle de la logique linéaire séquentielle n'y est sans doute pas pour rien. 

Steve Job avait une formule pour résumer ce problème:  "Lorsque vous essayez de résoudre un problème pour la première fois, les premières solutions que vous proposez sont très complexes et la plupart des gens s'arrêtent là. Mais si vous continuez, vivez avec le problème et épluchez plus de couches d'oignon, vous pouvez souvent arriver à des solutions très élégantes et simples. La plupart des gens ne mettent tout simplement pas le temps ou l'énergie pour y arriver".

La philosophie et les techniques du design invitent à prendre la dimension de l'exploration très au sérieux, surtout s'il s'agit de d'inventer ou de réinventer ce qui existe.  Cela a donné naissance à un nouveau terme : le design d'exploration. Concrètèment cela passe par beaucoup de simulations jusqu'à trouver une forme plus pertinente de l'objet recherché. Quand cet instant est là.... il est alors possible de passer au prototypage qui reste encore une phase d'exploration.

En même temps en disant cela, il ne faudrait pas concevoir  le processus de design comme un processus  linéaire et séquentiel qui consisterait à passer mécaniquement d'une étape à l'autre pour obtenir le résultat espéré.  Il est souvent nécessaire de faire de nombreux aller retour entre les différentes séquences d'un processus d'exploration....

Un article intéressant sur l'exploration pour aller plus loin 

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